« - Dites, papa, maman... Est-ce que vous vous souvenez du jour où tout a commencé pour moi ? Du jour où je suis née... »~
« - Eh bien, elle a de la voix, cette petite! »En ce calme début de matinée d'été 830, la tranquillité et la sérénité de la petite ville de Saqr, au cœur du mur Rose, à peine éclaircie par les premiers rayons de l'aube, venaient d'être brisées par cette voix forte et masculine, étouffée par les pleurs bruyants d'un nouveau-né, provenant d'une petite maison dont l'une des fenêtres venait d'être ouverte.
Cette maison était celle de la famille Maasaï, une famille descendante de nomades, et l'une des premières à s'être installées en ville. Dans cette charmante demeure vivait Sahal, le patron de la fauconnerie de la ville, âgé de 45 ans, ainsi que sa femme, Sora, de deux ans sa cadette, et leur fils, Sitka, qui approchait de ses 15 ans.
Depuis 8 mois et demi, Sora portait en elle l'espoir d'une nouvelle vie, que tout le monde attendait avec impatience. Le couple souhaitait depuis longtemps un nouvel enfant, et le jeune Sitka rêvait d'avoir un petit frère ou une petite sœur à protéger et à voir grandir.
Cependant, ce nouveau membre de la famille n'était pas attendu aussi tôt...
En effet, la femme de Sahal était une personne assez faible de nature. Sa santé fragile avait déjà faillit lui coûter la vie lors de son premier accouchement. Tous craignaient qu'elle n'y reste si le bébé venait à naître prématurément.
Ainsi, après que le médecin de la ville, accompagné par sa femme, aient accouru, réveillés par les cris du jeune Sitka venu les chercher, les deux hommes Maasaï de la famille durent attendre un long moment, tendus, crispés, séparés de Sora par la porte de la chambre du couple, retenant leur souffle à chaque cri plus puissant que la seule femme du logis poussait.
Jusqu'à-ce que ses cris s'arrêtent, remplacés par des pleurs stridents. Jusqu'à ce que le médecin ouvre la porte, puis la fenêtre, laissant la chaleur de la pièce se mêler à la fraîcheur de l'aube.
Et ces mots, prononcés par le médecin, furent le signal d'entrer pour les deux.
Sitka fut le premier à entrer, rapidement suivit par son père, impatient de voir Sora et la nouvelle vie qui venait de naître.
L'épouse était allongée sur le lit, pâle, les yeux mi-clos et larmoyants, le souffle court, les cheveux en bataille. Le drap sous elle était tâché de sang, et froissé au niveau de sa main gauche. Elle semblait épuisée, vidée de ses forces.
Pourtant, elle souriait...
Elle souriait au petit monde blotti dans les bras de la femme du médecin, petit monde qui pleurait et hurlait à s'en briser la voix.
« - Félicitations! s'exclama avec enthousiasme cette dernière.
Vous avez mis au monde une jolie petite fille en parfaite santé! »Sahal alla vers sa femme et la serra contre lui, heureux et soulagé de voir que tout s'était passé sans encombres. Le couple resta un instant ainsi, l'un contre l'autre, les larmes aux yeux.
Sitka, quant à lui, s'approcha de sa petite sœur, qui continuait de pleurer, gesticulant dans les bras de la femme du médecin.
C'était un joli petit bébé. Sa peau était déjà sombre, et ses yeux, toujours fermés, arboraient de longs cils. Son visage rond avait beaucoup de ressemblance avec celui de sa mère. Mais sa façon de gesticuler prouvait qu'elle avait aussi hérité de son père. Tout en elle dégageait une délicatesse incroyable, et en même temps un tel dynamisme...
Le jeune homme était fasciné par sa nouvelle petite sœur.
« - Je... Peux la prendre ?... » demanda-t-il, les yeux rivés sur le visage de la nouvelle venue
.
La femme sourit tendrement face à la demande du grand frère.
« - Tend tes bras... » lui dit-elle avec douceur.
Sitka obéit, et la femme du médecin replia un peu ses bras comme les siens, avant d'y déposer le petit bébé gesticulant.
Immédiatement, la petite fille cessa de bouger et se calma, se contentant de hoqueter.
Le jeune grand frère en profita pour la contempler de plus près, admirant la petite chose fragile qu'il tenait dans ses bras. Il avait l'impression d'avoir un petit oisillon contre lui. Un petit oisillon qui deviendrait un grand et bel oiseau plus tard.
Alors, l'envie de garder, de protéger ce bébé s'empara de lui. Il la serra un peu plus contre lui, avant de poser un léger sur son front.
Son père vint alors vers lui. Il regarda longtemps la petite fille blottie dans ses bras, avant de faire un sourire fier et de caresser la petite tête chauve.
« - Chérie ? dit-il à l'intention de Sora.
Tu es toujours d'accord pour le prénom ? »
La concernée hocha la tête, tout sourire.
« - Je le trouve très bien... »Sahal sourit de plus belle, et prit la petite dans ses bras.
« - Alors bienvenue parmi nous... Ma petite Shania. »~
« - Vous m'avez raconté cette histoire tellement de fois... Sérieusement, comment vous faisiez pour supporter mes cris ? Ça devait être horrible...
Et puis, ça s'est pas arrangé quand j'ai grandi... »~
« - Papa, papa, papa! Je peux apprendre à combattre et à dresser les oiseaux, moi aussi ? »Le soleil était haut dans le ciel, réchauffant la nature de ses rayons d'été. La petite Shania avait maintenant 6 ans. C'était une petite fille dynamique, curieuse, enjouée, espiègle et maligne. Elle était toujours en train de courir partout, quand elle n'essayait pas d'imiter son grand frère lorsque son père l'entraînait ou lorsqu'ils entraînaient les oiseaux de la fauconnerie.
On aurait pu croire que ce n'était qu'une idée qui lui passerait vite. Mais la petite fille était sérieuse. Elle aussi voulait se battre et jouer avec les oiseaux, surtout les rapaces, ses préférés. Elle aussi voulait apprendre les techniques de ses ancêtres nomades.
La jeune fille était très intelligente pour son âge. Bien plus qu'elle ne le laissait paraître.
« - Voyons, Shania! C'est pour les garçons, ça. Et puis tu es trop jeune. »Sa mère, quant à elle, restait la plupart du temps assise ou allongée. Six années s'étaient écoulées depuis qu'elle avait accouché de sa fille. Six années durant lesquelles la femme avait peu à peu faiblit. Lentement, sa peau pâlissait, ses traits se tiraient, sa taille s'affinait dangereusement, et ses pupilles se recouvraient d'un léger voile, dissimulant peu à peu leur éclat.
L'accouchement lui était lentement mais sûrement fatal...
Mais le père rit aux éclats et vint ébouriffer les longs cheveux bruns de sa fille.
« - Allons, Sora! s'exclama-t-il joyeusement.
Shania peut très bien apprendre l'héritage de nos ancêtres si elle le souhaite. Qu'importe son sexe ou son âge, le plus tôt est toujours le mieux! »
Son grand frère de désormais 20 ans s'approcha alors d'elle et la mit sur ses épaules.
« - C'est cool, ça! dit-il en riant.
Je pourrai t'aider à l'entraînement, moi aussi! Mais attention, papa n'est pas tendre en ce qui concerne le dressage, et encore moins en ce qui concerne le combat! »La jeune fille rit un instant avec les hommes de la famille, avant de se laisser glisser le long de son frère et d'aller se jeter dans les bras de sa mère, manquant de la faire tomber.
« - Alors, maman, je peux ? S'il te plaîîîîît! » supplia-t-elle avec un regard de chien battu.
La mère regarda alors sa fille, puis son fils et son mari. Puis elle baissa un instant la tête, pensive, pesant le pour et le contre, avant de soupirer.
« - Très bien, vous avez gagné... Shania pourra s'entraîner avec vous... »La petite fille cria de joie, puis s'élança de nouveau vers les deux hommes, avant de s'amuser à leur tourner autour et à passer entre leurs jambes. La scène fit rire de bon cœur toute la petite famille.
~
« - Haa, j'étais si heureuse de pouvoir enfin apprendre à me battre et à dresser les oiseaux avec papa et Sitka... Je voulais montrer qu'on pouvait aimer ce genre de chose et être capable dans ce domaine, même en étant une fille...
... Hélas, tu ne m'en as pas laissé le temps, maman... »~
« - Maman, réveille-toi... »L'aube s'était levée sur un paysage blanc, recouvert par le manteau de l'hiver. Shania avait désormais 8 ans.
Cela faisait plus de deux ans et demi qu'elle apprenait à se battre au corps-à-corps avec son frère et son père, et presque deux ans qu'elle dressait les oiseaux avec eux. Sa mère était toujours peu convaincue par l'idée de la laisser se battre et s'occuper d'oiseaux en sachant qu'elle pouvait se blesser. Mais pendant ces années, la petite fille avait prouvé aux deux hommes de la famille qu'elle avait un talent fou, autant dans la maîtrise de techniques de combat que dans l'approche et le dressage de ses amis ailés.
Et maintenant, elle voulait le prouver à sa mère.
Cela faisait quelques jours que cette dernière se sentait au plus mal. Même le médecin ne savait pas quoi faire pour l'aider. Elle ne pouvait plus sortir de la maison, et restait la plupart du temps dans un siège à bascule près de la cheminée. Cependant, Shania, avant d'aller se coucher, avait réussi à lui faire promettre de venir la voir avec son père pour une petite démonstration.
Mais le lendemain, la petite fille avait retrouvé sa mère dans le salon, toujours dans son siège à bascule, dans la même position que la veille, plus pâle et maigre que jamais. Ses yeux étaient mi-clos, et pourtant, elle ne bougeait pas. À ses yeux, elle semblait endormie.
Sahal et Sitka se levèrent alors que la petite fille essayait de réveiller sa mère.
« - Maman, ce n'est pas drôle! Tu m'avais promis de venir me voir à l'entraînement aujourd'hui! Allez, réveille-toi! »Elle ne cessa de secouer le bras de la femme que lorsque des bras l'attirèrent vers l'arrière. Surprise, elle se retourna. C'était son frère. Il semblait triste, ses yeux étaient inondés de larmes.
« - Sitka, pourquoi maman ne se réveille pas ? demanda-t-elle.
Elle m'avait promis de venir voir comment je me débrouille au combat et au dressage... »Le regard de Sitka devint encore plus affligé. On aurait pu croire qu'il avait vu un fantôme.
« - Shania... dit-il d'une voix frêle.
Maman... Elle est...- Sora... »La petite brune se retourna vers son père en entendant sa voix.
Ce dernier venait de fermer les yeux de son épouse, et serrait sa main dans les siennes en sanglotant. La petite fille ne comprenait plus rien à ce qui se passait.
« - Papa... Sitka... Pourquoi vous pleurez ?... » demanda-t-elle d'une voix hésitante et triste.
Sahal reposa alors la main de Sora sur sa cuisse, puis se retourna vers sa fille et se mit à sa hauteur, posant ses deux mains sur ses épaules.
« - Mon ange... dit-il d'une voix faible.
Ta... Ta maman était trop affaiblie pour tenir plus longtemps... Elle est partie au ciel... Son... Son esprit s'est envolé avec les oiseaux pour rejoindre nos ancêtres... »Il fallut quelques secondes à Shania pour comprendre la situation.
« - Maman... est partie... au ciel ?... »Et plus la situation devenait claire pour elle, plus les larmes venaient brouiller sa vue.
« - Maman... est... morte ?... »Sa voix tremblante, brisée, prononça ces mots avec peine, juste avant qu'elle n'éclate en sanglots.
Désespérée, la petite se jeta dans les bras de son père, pleurant toutes les larmes de son corps, appelant en vain sa mère, qui ne répondait plus.
Qui ne pouvait plus répondre.
Et qui ne le pourrait plus jamais.
Les trois Maasaï pleurèrent ainsi durant de longues et nombreuses minutes, bouleversés par la perte de cette personne qu'ils avaient tant aimé.
Ce n'est que lorsqu'ils n'eurent plus assez de larmes ni assez de force pour pleurer que le père décida de se relever, avant de regarder ses deux enfants aux yeux rougis et gonflés.
« - Les enfants, ce n'est plus le moment de pleurer. dit-il d'une voix ferme.
Votre mère nous a quitté, certes, mais rappelez-vous qu'elle est partie vers un monde meilleur et qu'elle veillera toujours sur nous. »Il s'approcha de son fils, avant de poser sa main libre sur son épaule.
« - Sitka, je vais avoir besoin de toi. Ta mère mérite une cérémonie à la hauteur de tout ce qu'elle a fait pour nous. »Puis il s'adressa à sa fille, qui était toujours blottie contre lui.
« - Et toi, Shania, ne lâche rien. Désormais, ta maman te regardera toujours depuis les étoiles avec nos ancêtres. À chaque fois que tu te relèveras d'une situation difficile, à chaque fois que tu mèneras un combat, à chaque fois que tu entraîneras les oiseaux de la fauconnerie, tu lui prouveras que tu es une fille forte et courageuse. »~
« - Bon, je l'avoue, je n'ai pas tout de suite compris ce que tu voulais dire, papa. A ce moment-là, je ne pensais qu'à ma mère, froide et inanimée. Morte... Morte pour avoir accouché trop tôt... Morte pour m'avoir offert ses forces...
Morte pour m'avoir sauvé lorsqu'elle m'a mise au monde...
Mais, malgré cette incompréhension, j'ai quand même acquiescé et séché mes dernières larmes. Nous avons tous gardé un morceau de la couverture qui couvrait les genoux de maman lorsqu'elle s'était éteinte. Elle a été incinérée sur un énorme feu de bois, puis ses cendres ont été enterrées dans le cimetière de la ville. J'ai su rester forte pendant la cérémonie, comme tu me l'avais demandé.
À partir de ce jour-là, nous avons passé beaucoup plus de temps ensemble à la fauconnerie. J'ai même pu vous accompagner pour vos spectacles. Tu as continué à m'apprendre des techniques de combat et de dressage, mais tu t'es aussi occupé de mon éducation. Tu m'as fait comprendre que la vie était pleine d'obstacles et de moments douloureux, et tu m'as appris à les surmonter.
Et puis, un jour, tu m'as donné une bonne raison pour mettre en pratique tout ce que tu m'as appris... Tu sais, mon quinzième anniversaire... »~
« - Où est passé papa ? »Le soleil était en train de descendre lentement dans le ciel, offrant à ce dernier de jolies teintes orangées et rosées. Shania était face à son frère, qui tenait son cheval par la bride.
Une semaine auparavant, Sitka et son père avaient quitté la ville pour rejoindre le district de Shinganshina, afin d'y récupérer le cadeau de la jeune fille. Bien sûr, cette dernière n'avait pas la moindre idée de ce que l'on allait lui offrir.
Le départ des deux hommes de la famille avait quelque peu attristé la brune. Elle avait eu beaucoup de mal à les laisser partir sans elle. La semaine d'attente avait été un véritable calvaire pour elle. Elle ne cessait de regarder l'horizon depuis la route principale de la ville, espérant que les deux hommes reviennent vite.
Finalement, le soir de son quinzième anniversaire, Sitka était enfin réapparu, avec son aigle qu'il entraînait depuis deux ans.
Mais son père, lui, avait disparu.
Et, à sa question, son grand frère répondit d'abord par une expression. La même expression triste que son visage arborait à la mort de sa mère.
« - Shania... finit-il par dire.
Quelque chose de grave s'est produit au district de Shinganshina... »Il cessa une nouvelle fois de parler. Face à l'hésitation de son frère, la jeune fille eut un très mauvais pressentiment.
« - Les Titans ont détruit le mur du district, et on réussi ouvrir une brèche dans le mur Maria... Nous étions là-bas quand la catastrophe s'est produite, et... Papa n'a pas survécu... Il est resté coincé sous des décombres, et un Titan l'a dévoré... »À ces mots, la brune fut choquée. Tellement choquée qu'elle tomba à genoux sur le sol, le regard bouleversé.
« - ... Non... murmura-t-elle fébrilement.
C'est pas possible... Tu me fais marcher, là... »Elle regarda son frère dans les yeux, le regard embué par le désespoir.
« - Sitka... Je t'en prie... Dis-moi que c'est pas vrai... »Le Maasaï ne pût rien faire d'autre que baisser la tête, dissimulant à sa sœur la naissance des larmes dans ses yeux.
Il se contenta de poser sa besace par terre, et d'en extraire un paquet en peau, qu'il tendit à la jeune fille, toujours sous le choc.
« - Tiens. dit-il en souriant tristement.
C'est ton cadeau. Ça aurait été triste que toute la surprise soit gâchée, quand même. »Shania hésita un instant, regardant le paquet, avant de le prendre fébrilement et de le poser sur ses genoux. Lentement, elle défit la peau qui entourait son présent. À l'intérieur se trouvait un nid qui avait été plié en deux.
Elle le déplia lentement, et...
« - Un... œuf de faucon ? » murmura-t-elle, surprise.
Son frère lui sourit tendrement et la corrigea.
« - De faucon sacre, plus précisément. Tu te souviens ? C'est l'espèce très rare que tu avais vu dans un livre et que tu voulais voir en vrai quand tu étais petite. Papa avait réussi à en trouver un en vente au district. Il l'a sauvé de justesse lorsque les décombres l'ont à moitié enseveli. »La brune regarda son frère. Puis l'œuf.
Elles se mit à trembler.
« - Maintenant, tu vas devoir t'en occuper. reprit Sitka.
Tu vas devoir prendre soin de l'œuf, puis du petit qui en sortira. Tu devras le protéger, le nourrir, et le dresser. Et une fois que tu auras réussi tout ça, une fois que cet œuf sera devenu un beau faucon bien entraîné... »La jeune fille écarquilla les yeux. Ce n'était tout de même pas...
« - ... Tu pourras officiellement devenir une véritable fauconnière au sein de la fauconnerie de Saqr. »La jeune fille ferma les yeux, avant de se mettre à pleurer. Pas seulement de tristesse, mais aussi de joie.
Elle avait compris.
Son père voulait lui offrir un œuf pour qu'elle puisse passer son dernier test, avant d'accéder à son ultime but : devenir une véritable fauconnière.
Dans ses larmes, Shania leva les yeux vers le ciel, un grand sourire joyeux illuminant son visage inondés de perles salées.
« - Merci, papa... Merci pour tout... C'est le plus beau cadeau que tu puisses me faire... »~
« - Ça oui... Ton dernier cadeau était génial, papa... Tu as vraiment fait fort jusqu'au bout avant de rejoindre maman... D'ailleurs, j'espère que vous vous amusez bien, là où vous êtes...
Bien sûr, Sitka est devenu le nouveau patron de la fauconnerie. Et pour ça, papa, tu peux être fier de lui. Il a vraiment assuré.
Quant à moi, eh bien... Je me suis occupé de mon petit faucon comme d'un enfant. Son œuf a éclos deux semaines après le retour de mon frère. C'était une femelle, un petit oisillon tout gris. J'ai décidé de l'appeler Kiona.
Tous les jours, je la nourrissait, l'éduquait, la dressait, l'entraînait. Peu à peu, elle est passée d'oisillon à jeune faucon. Elle restait tout le temps avec moi, et je m'occupait tout le temps d'elle. Au final, elle est devenue ma meilleure amie.
Et puis, un jour, nos efforts ont enfin porté leurs fruits... »~
« - Cette fois, tu m'auras pas, Sitka! »C'était un bel après-midi de début d'automne. Shania avait maintenant 18 ans, et Kiona venait d'avoir 3 ans.
Ce jour-là, Sitka et sa sœur avait décidé de s'entraîner au combat. C'était une habitude des deux membres de la famille Maasaï, qui voulait continuer de perpétuer l'héritage que leur avait laissé leur père.
Cela faisait maintenant une bonne dizaine de minutes que les deux se battaient, et aucun ne semblait prendre réellement l'avantage. L'aîné contrait facilement les attaques de sa sœur, mais là cadette esquivait avec aisance les coups de son frère.
Mais, alors que le combat s'éternisait, la brune eut une idée.
Rapidement, elle s'écartant d'un pas, porta deux doigts à sa bouche, et siffla.
En réponse à ce sifflement strident, Kiona arriva en piqué depuis le ciel et ne se redressa qu'une fois arrivée à la hauteur du visage de Sitka, qui recula, déstabilisé.
Une balayette et un plaquage au sol plus tard, le frère était vaincu.
« - Hé hé, j'ai gagné. » ricana-t-elle pour se moquer de son frère.
Ce dernier aurait pu protester, dire qu'utiliser son faucon n'était pas fair-play, mais il n'en fit rien. Il se contenta de sourire, fier de sa sœur. Elle avait enfin réussi.
« - Eh ouais, tu as gagné. dit-il en se relevant.
Et je vois également que tu as incroyablement bien dressé ton faucon. Je crois que l'élève a dépassé le maître. »Shania écarquilla les yeux, choquée. Elle... Elle avait réussi à passer le dernier test ?...
Son frère lui fit un grand sourire, et lui tendit la main.
« - Bienvenue parmi les fauconniers de Saqr, Shania. »Le visage de la jeune femme s'éclaira. Elle avait réussi. Elle était devenue une fauconnière.
Elle serra la main de son frère, les larmes aux yeux.
« - Oh, merci, Sitka! Merci, merci, merci! Je ne te décevrai pas! »Puis elle se mit à courir dans tous les sens en criant de joie, appelant son faucon.
« - Kiona! Kiona! On a réussi! On fait officiellement partie de la fauconnerie! »~
« - Eh oui, nous avons réussi... Je suis devenue une vraie fauconnière... Tu vois, maman, je t'avais bien dit qu'être une fille ne posait pas problème dans ce genre de domaine...
C'est pour cela que je ne peux pas venir vous voir aussi souvent qu'avant... J'ai le métier dont je rêvais, et je dois en profiter au maximum... J'espère que vous me pardonnerez...
Au revoir, papa... Au revoir, maman... Reposez en paix... »
Shania porta sa main à ses lèvres, y déposant un doux baiser. Puis elle posa sa main sur la petite pierre tombale dressée devant elle, entre les deux noms inscrits dessus.
Le soleil se couchait lentement sur la ville de Saqr, en ce beau jour d'automne 850.
La jeune femme se releva, puis rappela son faucon, qui vint se poser délicatement sur son bras droit.
Elle regarda une dernière fois la pierre tombale, avant de se retourner et de rejoindre son frère, qui l'attendait à l'entrée du cimetière.
La vie continuait, et elle comptait bien en profiter au maximum...