Comme à son habitude, le jeune homme avait passé l’après-midi à nettoyer son bar. Il avait également réapprovisionné ses stocks de spiritueux,  pour être certain de ne pas avoir à faire face à un client mécontent ne pouvant pas être servi. Ça lui était déjà arrivé une ou deux fois par le passé, mais le jeune homme faisait de son mieux pour combler l’envie de ses demandeurs.

Il venait à peine de se placer derrière son zinc, juste après avoir déverrouillée la porte de son bar qu’un client entrait déjà. Éros, un de ses chats, qui dormait sur une commode un peu plus loin, releva la tête à l'arrivée du client et sauta de son lit improvisé pour rejoindre les coussins placés derrière le bar, à l'abri des clients. Le petit matou roux n'était pas très sociable et se recoucha sur les tissus après s'être étiré.

Jack était étonné de voir que quelqu'un entrait à peine avait-il ouvert son bar, à quelques secondes près. Le tenancier tourna la tête et reconnu un de ses clients plutôt singulier, puis sourit de toute ses dent. En effet, c’était la deuxième fois qu’il voyait cet homme franchir le pas de sa porte, et il n’était pas mécontent de le voir.

Leur première rencontre n’avait pas été dérangeante, mais il était vrai que c’était la première fois qu’il avait eu à faire avec un client muet. Jack avait été un peu désarçonné au début, ne s’attendant pas à devoir communiquer avec quelqu’un ne pouvant pas parler, mais pour le peu qu’ils avaient échangé, il pensait avoir compris le principal. Et il était content de le revoir dans son bar : cela voulait dire que ce qu’il vendait était agréable pour les papilles, mais également qu’il était assez accueillant pour les clients ayant des petites particularités comme la sienne.

Le jeune homme s’installa sur un tabouret non loin de Jack, et comme lors de leur première rencontre,  il lui fit ce signe que le gérant interprétait comme quelque chose voulant dire « bonjour », puis lui tendit la main.

Jack, tout sourire, lui serra fermement cette dernière en lui souhaitant la bienvenue. Il observa quelques secondes le jeune homme et remarqua qu’il était encore en tenue de travail, celle d’un boulanger ou d’un pâtissier, semblerait-il : il avait des traces farineuses çà et là, et portait clairement un bleu de travail.

En lâchant la main du travailleur, son sourire ne le quitta pas et il lui demanda, avec cette habitude de parler à n’importe qui en le tutoyant :   « Tu vas bien ? »

Sans s’en rendre compte, il avait opté pour cette formulation et non pour « comment ça va ? », son inconscient se rendant certainement compte qu’un muet n’avait que deux choix de réponse assez équivoques. Il avait d’ailleurs pensé à quelque chose, après que le jeune homme ai quitté le bar la dernière fois, et une fois la réponse de l’artisan donnée, il se pencha pour attraper quelques feuilles et un crayon taillé qu’il avait mis sur une étagère du bar le lendemain de leur rencontre, en espérant pouvoir faciliter la communication.

Il posa les feuilles blanches et le crayon devant le jeune homme en face de lui et déclara d’un ton joyeux :

« Comme ça, on pourra peut-être communiquer un peu plus que la dernière fois ! »

Ensuite, il se retourna et attrapa la bouteille que son client avait choisie lors de sa première venue.

« Je te sers la même chose ? Ou tu voudrais goûter quelque chose d’autre ? »





[HRP] Désolayyy pour le temps de réponse T-T j’ai des semaines plutôt chargées en ce moment… J’espère que ça te plaira, si tu veux que je modifie quelque chose ou si tu as une remarque, n’hésite pas à me MP !

Ah, et petite note pour le RP : si la réponse au « Tu vas bien ? » de Jack est négative, Jack demandera à Etan ce qui ne va pas avant de lui chercher les papiers o/ [/HRP]

Etan acquiesça avec un geste lent de la tête. Un petit soupir accompagna le geste dénotant la fatigue. La journée semblait avoir été pas mal chargée. Il allait répondre en signant pour lui demander comment il allait, quand celui-ci lui présenta des feuilles blanches et un crayon à la pointe aiguisé. Il ouvra la bouche agréablement surpris, mais aucun son ne sortit évidemment. Il semblait apprécier l'idée du gérant. D'habitude Etan ne souhaitait pas que les gens sachent qu'il savait écrire et donc par conséquent lire. Les gens pensaient aisément qu'étant muet il était simple d'esprit. Et ça l'arrangeait plutôt bien qu'il y croient. Cependant, dès qu'ils apprenaient qu'il savait lire et écrire, ils devenaient méfiants. Néanmoins, le gérant semblait être un bon homme. Mais, ce n'était pas une question de confiance, il était simplement convaincu que discuter avec lui serait plus productif que jouer l'idiot de service. Ainsi il attrapa le crayon et se mit à écrire " Bonne idée! ", suite à quoi le barman lui demanda ce qu'il lui servait. Il hésita. Le contenu de la bouteille en question était très gouteux. Toutefois, il avait envie de quelque chose un peu plus rafraichissant. Il s'empressa d'écrire.

" Peut-être une bonne bière bien fraîche? " - lui montrant la feuille griffonnée. Puis il rajouta prévoyant la question de son interlocuteur- " blonde " - Etan marquait ses petites préférences et sans doute s'attendait à un produit plus que correct, légèrement ambré, parfumé, contenant le degré d'alcool qui naturellement allait avec.

" A vrai dire, j'ai couru pour arriver jusqu'ici! " - fit-il en secouant sa chemise par le col pour se faire un peu de vent, comme s'il tenait à justifier son choix de consommation ou démontrer que la bouteille proposée était tout aussi appréciée mais réservée à d'autres circonstances.

Son écriture était régulière et soignée, preuve qu'enfant il avait reçu une éducation acceptable. Il maîtrisait aussi les règles d'orthographe. Un élève appliqué peut-être. Difficile de faire le lien avec son bleu de travail tacheté de farine. Quoi qu'il en soit, dès que l'homme eut lut son message il reprit la feuille et continua son discours manuscrit. Il avait envie de parler, de discuter, bavarder, de tout et de rien et en général, les gérants de bars étaient là pour ça. Etrangement son humeur était plus légère, moins enclin à tout dénigrer. Certainement l'expectative d'une bonne boisson en récompense de ses effort journaliers au pétrissage y était pour beaucoup. Le plaisir mielleux du malt fermenté capable de faire frétiller les coeurs et son âme.
Pendant que l'homme s'exécutait, Etan s'affairait à noircir de quelques signes de plus la feuille.

" Je m'appelle Etan. Comment ça va? "

Un petit sourire aux lèvres ; Jack avait rapidement lu la feuille que le muet avait réquisitionnée. Il y avait écrit que l’idée de Jack était bonne, et le barman se sentit rassuré en réalisant que son client savait écrire. Il avait, l’espace d’un instant, oublié que tout le monde ne savait pas lire et rédiger des mots… Mais il semblait que ce n’était pas le cas du jeune homme en face de lui, qui avait d’ailleurs une écriture soignée. Il était vrai que lui-même avait seulement appris l’utilisation des lettres grâce à sa mère, et celui des chiffres grâce à son père. Il n’était jamais allé à l’école, ses parents estimant qu’une institutrice en tant que mère ne nécessitait pas un déplacement inutile et des leçons souvent idiotes par d’autres professeurs certainement trop stricts, qui ne lui serviraient à rien plus tard. Ils lui avaient appris l’essentiel, à bien parler et à bien se comporter, et c’était amplement suffisant.

Ensuite, le brun vit l’artisan griffonner rapidement sur la feuille, qu’il lui montra. Il déclinait la proposition de Jack, demandant plutôt une bière… blonde. Toujours un sourire en coin, Jack regarda l’homme en face de lui et s’apprêta à lui servir ce qu’il lui demandait lorsque son client reprit la feuille pour continuer à écrire.

« A vrai dire, j'ai couru pour arriver jusqu'ici! »

Puis, il lui remontra cette dernière et tira sur le col de sa chemise, comme pour illustrer ses paroles.

Jack ria doucement et lança à l’homme, d’une voix pleine de malice et d’un ton joyeux : « Eh beh ! T’étais tellement pressé de venir ici ? »

Puis, ce dernier se retourna tandis que l’homme récupérait le papier, et il attrapa une pinte en verre, propre et vide, suspendue par un crochet en bois à l’une des nombreuses étagères présentes contre le mur. Il se repositionna face au bar et se pencha légèrement en avant, glissant ses deux mains sous le zinc. Il plaça celle avec la chope sous le robinet d’un tonneau en bois, pencha le verre afin de ne pas le remplir de mousse, et de l’autre main il actionna le robinet qui couina sous son geste, et d’où un liquide pétillant et doré s’échappa.

Une fois la pinte de bière remplie, il attrapa d’une main experte un dessous de verre et le posa devant son client, où il déposa presque aussitôt la commande de ce dernier en s’exclamant :

« Et voilà, une belle blonde, une ! »

Après avoir reposé ses mains contre le bar, Jack lu ce qui avait été écrit sur la page pendant qu’il s’occupait de la commande.

« Je m'appelle Etan. Comment ça va? »

« Enchanté, Etan ! Moi, c’est Jack. » dit-il dans un sourire. Le brun se retourna pour attraper une serviette propre et un verre qui attendait d’être séché dans l’évier, à côté, puis se retourna vers Etan.


« Ça va plutôt bien, en ce moment ! Les affaires marchent bien. Il fait beau. Mes chats ne sont pas malades. Que demander de plus ? » déclara-t-il en riant doucement. Faire la conversation n’était pas son fort. Il aimait parler, mais ne savait pas comment lancer les discussions. Il avait l’habitude d’hocher la tête et d’écouter ce que ses clients avaient sur le cœur… Mais avec un client muet, hocher la tête sans aucun flot de paroles semblait être assez difficile. Et surtout incohérent.

La porte d’entrée grinça et le regard du barman se déplaça vers les nouveaux arrivants. Un groupe de quelques hommes, cinq ou six, entra et s’installa dans le fond en faisant un peu de bruit. La soirée commençait ; les clients allaient arriver les uns après les autres et il devrait s’en occuper petit à petit. Il espérait que pendant qu’il prenait les commandes des uns et des autres, son premier client un peu spécial n’allait pas s’en aller. Il avait envie de le connaître un peu plus.

« Et toi, comment tu vas ? Tu bosses dans quoi ? Vu la farine sur ton bleu de travail ; je suppose que tu dois faire dans la pâtisserie ou la boulangerie, non ? » demanda-t-il de sa voix douce en reposant le verre, sec, sur une étagère derrière lui et en en attrapant un autre, qu’il frictionna avec sa serviette, patientant pour avoir la réponse d’Etan.